La Tentation de Saint Antoine exposée à l'Abbaye de Moissac en 2005
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"Une des plus puissantes expériences spirituelles de l'art contemporain".

Professeur D. Stephen Pepper,
John Hopkins University

LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
Une œuvre gigantesque de 33 mètres x 2 mètres.

Le grand critique d'art Max-Pol Fouchet, pressenti à la succession d'André Malraux au Ministère de la Culture, est si impressionné par la peinture de Manesse qu'il l'invite chez lui, à Vézelay et lui fait lire le livre de Gustave Flaubert La tentation de Saint Antoine.
Bouleversé, Manesse réalise une peinture de 33 mètres de long qui sera exposée à Vézelay, dans la cathédrale d'Aix en Provence et dans l'Abbaye de Moissac.
Max-Pol est tellement séduit par cette œuvre monumentale qu'il exprime son désir de l'exposer à Beaubourg.
Malheureusement, sa mort prématurée empêche la réalisation du projet.
La Tentation de Saint Antoine - représentation du choix par l'âme humaine entre perdition et Salut - est la toile la plus grande du monde après "La Fée Electricité" (600m2 - 1936) de Raoul Dufy. Réalisée à Vézelay en 1978, elle est inscrite au livre des records.

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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
Par Max-Pol Fouchet Critique d'art

Qu'un artiste de notre siècle se soit senti appelé par l'un des grands thèmes de l'iconographie chrétienne, longtemps générateur de chefs d'œuvre, voilà qui mérite, préalable à l'examen esthétique, la réflexion.
Si la tentation de Saint Antoine se manifeste avec fréquence dans l'art du Moyen Age, c'est en raison de sa signification interne. Le spectacle dépeint par l'image offre une leçon non spectaculaire. A travers les récits de la Légende dorée et de Saint Athanase, les tourments de l'Anachorète se réduisent à une seule épreuve : le choix, pour l'âme humaine, entre la perdition et le Salut.

 

Vers la fin du XVe siècle, Jérôme Bosch, dans son deuxième grand triptyque, de nos jours à Lisbonne, usait du sujet pour dénoncer la sorcellerie et ses adeptes. Représentant pour la première fois, la nuit du sabbat, avec ses créatures volantes et son bestiaire de cauchemar, il centrait la fête fantastique sur les figures de l'Ermite et du Christ. L'œuvre, gigantesque fond où s'agitent des hybrides, toute emplie de scandaleuses métamorphoses, devenait une oniromancie des deux valeurs adverses. Le thème, loin de se limiter à une apologétique précise, appartient à tous les hommes et nous concerne ici et maintenant.

 
La tentation de Saint-Antoine (détail)

Claude Manesse paraît avoir compris son sens éternel, son immanence. Homme d'un temps en quête, selon la formule de Kandinsky, du spirituel dans l'art, il ne pouvait se contenter de la représentation d'une scène, si chargée de symboles fût-elle. La Tentation, pour cet artiste de l'âge freudien, trouve ses ressources dans les vagues obscures de l'être. Le large mouvement sinusoïdal que son œuvre présente sur la longueur suggère le déferlement de nos pulsions. La Croix et la Figure Salvatrice y apparaissent, dans une conclusion non conclusive, comme un mât de navire en détresse et comme le souffrant fanal d'un possible port. En cette écume ici trouée de lumière, là noyée de ténèbres, les visages qui s'esquissent semblent ceux de rescapés, ou plutôt de témoins de ces marées noires dans lesquelles meurent les oiseaux.

 

De ce point de vue, nous tenons pour capital le moment où des personnages de premier plan, un enfant et un couple de vieillards surgissent en tête du cortège qui les suit. Sont-ils sauvés d'un déluge ? Le flot s'est-il retiré devant eux pour les sauver des pharaons d'aujourd'hui ? Leur nudité serait-elle des morts le jour du Jugement. Le vieux thème de la Tentation est toujours d'une actualité brûlante puisqu'il nous montre combien nous fûmes souvent, nous hommes du XXe siècle, les serviteurs de César, et non ceux, inconditionnels, de l'homme.

La tentation de Saint-Antoine (détail)
 

Entreprise à Vézelay, dans la proximité d'une basilique romane, l'œuvre de Manesse demande un cheminement comme en une nef. Elle veut notre participation à sa puissante expression picturale, au romantisme de sa couleur et de sa vision. Nous ne saurions seulement demeurer devant le poème. Il faut pénétrer en lui pour nous y découvrir.

LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
Par Micheline Durand Conservatrice en chef - des Musées d'Art et d'Histoire d'Auxerre

En 1874, Gustave Flaubert publie la dernière version de La Tentation de Saint Antoine dont il disait : "C'est l'œuvre de toute une vie".
Chef-d'œuvre romantique qui a enchanté Huysmans ou "mascarade luxuriante et confuse", comme le dira Renan ? Il n'en reste pas moins que, pendant trente années, l'ermite du désert en proie à ses visions, à ses "tentations", accompagnera Flaubert, depuis la description très précise qu'il avait notée d'un tableau de Breughel en 1845 et dont il a très vite imaginé faire une pièce de théâtre, jusqu'à l'achèvement de l'œuvre dans un contexte de désastre politique et de désarroi familial.

 

La lutte d'un homme dans sa quête du bien contre Satan, symbole du mal, n'est pas nouvelle - ni propre au christianisme - et les époques de tumulte social et spirituel ont souvent amplifié les formes exacerbées d'aspiration au salut.

 

Mais les représentations les plus importantes concernent le prodigieux spectacle des tentations, les grandioses mirages des hallucinations, les troublants attraits des péchés capitaux, qui ne pouvaient que séduire les artistes : citons pour mémoire Breughel, Bosch, Le Tintoret, Véronèse, Schongauer, Grünewald, mais aussi Odilon Redon ou James Ensor.

 

En 1978, Claude Manesse, à partir de la lecture de Flaubert, réalise une œuvre monumentale dans la salle romane de Vézelay, redéployant toutes les forces de ténèbres et de lumières qu'affronte Saint Antoine dans son combat intime et permanent, Saint Antoine, qui, comme Job, se plaint de l'absence de Dieu, Saint Antoine à qui le Christ de la Légende Dorée s'adresse ainsi : "Antoine, j'étais ici, mais je restais te regarder combattre ; or, maintenant que tu as lutté avec vigueur, je rendrai ton nom célèbre dans tout l'univers".

 
 
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Panneau 1

La Tentation de Saint–Antoine

Panneau 1/22 – extrait du texte de Gustave Flaubert

C'est dans la Thébaïde, au haut d'une montagne, sur une plate-forme arrondie en demi-lune, et qu'enferment de grosses pierres. La cabane de l'ermite occupe le fond. Elle est faite de boue et de roseaux, à toit plat, sans porte. On distingue dans l'intérieur une cruche avec un pain noir ; au milieu, sur une stèle de bois, un gros livre ; par terre çà et là des filaments de sparterie, deux ou trois nattes, une corbeille, un couteau.
À dix pas de la cabane, il y a une longue croix plantée dans le sol ; et à l'autre bout de la plate-forme, un vieux palmier tordu se penche sur l'abîme, car la montagne est taillée à pic, et le Nil semble faire un lac au bas de la falaise. La vue est bornée à droite et à gauche par l'enceinte des roches.
Mais du côté du désert, comme des plages qui se succéderaient, d'immenses ondulations parallèles d'un blond cendré s'étirent les unes derrière les autres, en montant toujours ; puis au delà des sables, tout au loin, la chaîne lybique forme un mur couleur de craie, estompé légèrement par des vapeurs violettes. En face, le soleil s'abaisse…

Panneau 2

La Tentation de Saint–Antoine

Panneau 2/22 – extrait du texte de Gustave Flaubert

Le ciel, dans le nord, est d'une teinte gris perle, tandis qu'au zénith des nuages de pourpre, disposés comme les flocons d'une crinière gigantesque, s'allongent sur la voûte bleue. Ces rais de flamme se rembrunissent, les parties d'azur prennent une pâleur nacrée ; les buissons, les cailloux, la terre, tout paraît dur comme du bronze ; et dans l'espace flotte une poudre d'or tellement menue qu'elle se confond avec la vibration de la lumière.

Panneau 3

La Tentation de Saint–Antoine

Panneau 3/22 – extrait du texte de Gustave Flaubert

Saint Antoine qui a une longue barbe, de longs cheveux, et une tunique de peau de chèvre, est assis, jambes croisées, en train de faire des nattes. Dès que le soleil disparaît, il pousse un grand soupir, et regardant l'horizon : encore un jour ! Un jour de passé ! Autrefois pourtant, je n'étais pas si misérable ! Avant la fin de la nuit, je commençais mes oraisons ; puis je descendais vers le fleuve chercher de l'eau, et je remontais par le sentier rude avec l'outre sur mon épaule, en chantant des hymnes. Ensuite, je m'amusai à ranger tout dans ma cabane. Je prenais mes outils ; je tâchais que les nattes fussent bien égales et les corbeilles légères ; car mes moindres actions me semblaient alors des devoirs qui n'avaient rien de pénible. à des heures réglées je quittais mon ouvrage ; et priant les deux bras étendus je sentais comme une fontaine de miséricorde qui s'épanchait du haut du ciel dans mon cœur. Elle est tarie, maintenant. Pourquoi ?… il marche dans l'enceinte des roches, lentement. Tous me blâmaient lorsque j'ai quitté la maison.

Panneau 4

La Tentation de Saint–Antoine

Panneau 4/22 – extrait du texte de Gustave Flaubert

Ma mère s'affaissa mourante, ma sœur de loin me faisait des signes pour revenir ; et l'autre pleurait, Ammonaria, cette enfant que je rencontrais chaque soir au bord de la citerne, quand elle amenait ses buffles. Elle a couru après moi. Les anneaux de ses pieds brillaient dans la poussière, et sa tunique ouverte sur les hanches flottait au vent. Le vieil ascète qui m'emmenait lui a crié des injures. Nos deux chameaux galopaient toujours ; et je n'ai plus revu personne. D'abord, j'ai choisi pour demeure le tombeau d'un pharaon. Mais un enchantement circule dans ces palais souterrains, où les ténèbres ont l'air épaissies par l'ancienne fumée des aromates. Du fond des sarcophages j'ai entendu s'élever une voix dolente qui m'appelait ; ou bien je voyais vivre, tout à coup, les choses abominables peintes sur les murs ; et j'ai fui jusqu'au bord de la mer Rouge dans une citadelle en ruines. Là, j'avais pour compagnie des scorpions se traînant parmi les pierres, et au-dessus de ma tête, continuellement des aigles qui tournoyaient sur le ciel bleu. La nuit, j'étais déchiré par des griffes, mordu par des becs, frôlé par des ailes molles ; et d'épouvantables démons, hurlant dans mes oreilles, me renversaient par terre.

Panneau 5

La Tentation de Saint–Antoine

Panneau 5/22 – extrait du texte de Gustave Flaubert

Une fois même, les gens d'une caravane qui s'en allait vers Alexandrie m'ont secouru, puis emmené avec eux. Alors, j'ai voulu m'instruire près du bon vieillard Didyme. Bien qu'il fût aveugle, aucun ne l'égalait dans la connaissance des écritures. Quand la leçon était finie, il réclamait mon bras pour se promener. Je le conduisais sur le paneum, d'où l'on découvre le phare et la haute mer. Nous revenions ensuite par le port, en coudoyant des hommes de toutes les nations, jusqu'à des cimmériens vêtus de peaux d'ours, et des gymnosophistes du Gange frottés de bouse de vache. Mais sans cesse il y avait quelque bataille dans les rues, à cause des juifs refusant de payer l'impôt ou des séditieux qui voulaient chasser les romains. D'ailleurs la ville est pleine d'hérétiques, des sectateurs de Manès, de Valentin, de Basilide, d'Arius, -tous vous accaparant pour discuter et vous convaincre. Leurs discours me reviennent quelquefois dans la mémoire. On a beau n'y pas faire attention, cela trouble.

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